Il y a tant de mots qui tournent dans ma tête,
Des billes animées de toutes les couleurs,
Qu’il me faut éjecter, souvent dans la douleur,
Pour éviter qu’un jour la ronde ne s’arrête.
A force d’engranger des textes incertains,
Je crains que ma mémoire, comme gavée, n’explose,
Libérant mille éclats de poëmes et de prose,
Lus après le Boscher, aux temps inopportuns.
Il y a tant de mots qui chantent dans ma tête,
Une cacophonie de phrases et de vers.
Ils débarquent d’hier et du diable vauvert,
Sortis de romans noirs, de recueils de poëtes,
De contes, de fables, d’histoires pour enfants.
Ils s’associent souvent, pour donner mes musiques,
Des refrains populaires, des mélodies basiques,
Parfois des symphonies, des hymnes triomphants.
Il y a tant de mots qui dansent dans ma tête,
Virevoltant légers, sur un rythme effréné
De folle sarabande, qu’on ne peut freiner,
Allègre carnaval, fête enjouée du têt.
Que quémandent-ils donc, ces joyeux papillons?
Jeter leurs vieux habits, au moindre des prétextes,
Pour, après cette mue, renaître dans un texte.
Chaque jour, impatients, ils sont là des millions.
Il y a tant de mots qui pleurent dans ma tête.
Ce sont les oubliés, trop longtemps prisonniers,
Qui comptent profiter d’un courant saisonnier,
Et manifestent ainsi, sans tambour ni trompette.
Qui dira leur tristesse, quand l’ « à-peu-près » sévit ?
Leur vive espérance, dès qu’ils voient qu’on hésite ?
Et la joie retrouvée de ceux qu’on ressuscite,
Dans un nouveau poëme, pour une nouvelle vie?