De la fenêtre de ma chambre,
Au nord du Brésil, loin d’ici,
Par un humide et chaud décembre,
Je découvrais la galaxie.
On me postait à la fenêtre,
Pour voir, aussitôt éveillé,
Ce monde inconnu apparaître
Devant mes yeux émerveillés.
Dans le jardin de la voisine,
Des oiseaux bleus, comme en ballet,
Dansaient au bord de la piscine.
Craintifs, près d’un vieux balai,
Deux lézards tremblaient, immobiles,
Suivant des yeux un lourd basset
Qui courait, d’un pas malhabile,
Après des mouches, sans succès.
Un jour, dans un ciel d’orage,
J’ai vu des urubus planer.
Un autre, ils se battaient, sauvages,
Pour un morceau d’os décharné.
La pluie frappait à grosses gouttes,
Dessinant mille petits ronds
Ephémères ; puis, sur la route,
Se muait en torrent marron.
Je ne pouvais, de ma fenêtre,
Voir la pluie sur Sao Paulo,
Que les images. Un bébé naître
Dans le chaos causé par l’eau,
Des enfants mourir dans la boue,
Ensevelis sous leur maison,
Devant quelques murets debout,
La mère perdant la raison,
Une famille secourue,
Réfugiée sur un tacot,
D’autres, qui vivaient dans la rue,
Tirés des eaux en hélico,
Des vies pendues à une élingue,
Des corps repêchés, autre part,
Morts de noyade ou de la dengue,
Disparus sans un faire-part.
Au soleil de Rio, la guerre
Faisait rage entre favelas.
Mais les morts ne troubleront guère
L’audience des novelas.
Je saurai ces péripéties,
Que mon père a écrit pour moi,
Quand il m’en fera le récit.
Un jour. Je n’ai que onze mois.