S’il fallait commencer par un apprentissage,
Une initiation, un passage obligé,
Comme un joaillier avant un sertissage,
Pour trouver son chemin, le tribut exigé
Pour en finir avec le pauvre remplissage,
Pour savoir agencer les mots, le pétrissage
Patient, pour ne plus se sentir affligé ?
S’il fallait copier, au moins pour l’amorçage,
Faire « à la façon de », en travaux dirigés,
Apprendre, par une espèce de nourrissage,
Auprès des grands auteurs qui ont su rédiger,
En changer constamment pour faire un grand brassage,
Mesurer les progrès de ce dégrossissage,
Accepter d’en souffrir, d’en être fustigé ?
Si malgré ces efforts, loin de tout métissage,
Un style bien à soi on n’a pas érigé,
On devrait s’arrêter, attendre un mûrissage,
Si l’on veut être honnête et ne pas transiger,
Car si l’on continue l’éternel rapiéçage,
On va mettre en péril son âme en dépeçage
Par les échecs subis et les maux infligés.